« La politique de l’Europe par rapport à l’Afrique a souvent été guidée par ses propres intérêts économiques et commerciaux à court terme. » C’est bien vrai. « Il est nécessaire de donner une nouvelle dimension à la coopération avec l’Afrique. » Absolument d’accord. « La création de chaînes de production, le respect de conditions de commerce équitable, la diversification économique, le soutien ciblé à l’agriculture et l’amélioration de l’accès au marché unique de l’UE sont autant de nécessités. » Hochements de tête en signe d’approbation et regards stupéfiés à la page de titre. Cette analyse nous vient – aussi difficile que cela puisse paraître – du Ministère Fédéral Allemand de la Coopération Économique et du Développement (BMZ) qui a présenté le « Plan Marshall pour l’Afrique » en Allemagne, en 2017.
Toutefois, à y regarder de plus près, ce plan, c’est de la poudre aux yeux. Le Plan Marshall qui a rendu possible la reconstruction de l’Allemagne après la Deuxième Guerre Mondiale était financé à une échelle qui correspondrait à 130 milliards d’euros aujourd’hui. En revanche, pas le moindre Euro n’est réservé pour le « Plan Marshall » pour l’Afrique. Le document du BMZ se contente de formuler des lignes directrices souhaitables, en ignorant le fait que ces dernières sont en totale opposition avec la dure réalité de la politique des pays du Nord par rapport à l’Afrique.
Par exemple, le « Plan Marshall » demande un commerce plus équitable. « L’Europe a fait tout son possible pour imposer des structures commerciales inéquitables aux pays du Sud, » déplore Rangarirai Machemedze d’Equinet, le réseau partenaire de medico basé au Zimbabwe. Les Accords de Partenariat Économique (APE) négociés sous la direction de l’Allemagne ont été signés par le Kenya contre son gré, après avoir été soumis à une pression politique massive. Le résultat est que le pays devra ouvrir 80% de son marché aux produits d’Europe – y compris aux produits agricoles subventionnés
– tout en réduisant les subventions à l’agriculture locale. Ces accords asymétriques annoncent non seulement des pertes massives de recettes pour l’État, mais aussi et surtout la destruction progressive des moyens de subsistance de nombreux exploitants agricoles. Pour Rangarirai Machemedze, « La crédibilité de la politique de l’Allemagne et de l’Europe par rapport à l’Afrique dépend de leur volonté de réviser les accords de libre-échange. »
Susan Wamuti, du NAPAD, en Somalie, met l’accent sur un autre aspect – l’ignorance politique qui dément l’idée souvent avancée de « partenariat égal ». « Des concepts tels que le « Plan Marshall » ne mentionnent même pas les institutions africaines. Ce dont nous avons besoin, par contre, c’est une solution aux problèmes africains qui soit élaborée en interne. » Son collègue Abdullahi Mohamed Hersi est encore plus explicite : « Pour la politique européenne, le continent africain est une proie facile. » En Afrique de l’Est, où la sécheresse et la famine sont de graves problèmes récurrents, des groupes européens louent de vastes étendues pour cultiver le jatropha, utilisé pour la production de biocombustible. Dans un pays dans lequel il n’y a de toute façon que 10 % des terres utilisables pour l’agriculture, cet état de fait a des implications désastreuses pour la sécurité alimentaire. Abdullahi Mohamed Hersi demande à l’Europe de revenir à la table de négociation avec des idées viables. Sinon, « le Plan Marshall » ne sera jamais plus qu’une mauvaise plaisanterie. »